Un kératocône est une maladie de l’œil qui se manifeste par une déformation de la cornée d’intensité et d’évolution variables selon les personnes. Détectée en général vers l’âge de 15 ans, elle peut entraîner de gros problèmes de vision. Si le port de lentilles ou lunettes n’est pas suffisant, une intervention chirurgicale sera envisagée.
Qu’est-ce qu’un kératocône ?
La cornée est le revêtement transparent de l’iris et de la pupille de l’œil. Normalement, elle a une forme arrondie régulière. Chez les personnes atteintes d’un kératocône (de “kératos” pour cornée et “conus” pour cône), la cornée se déforme et s’amincit progressivement, perdant son allure sphérique pour prendre celle d’un cône irrégulier.
Cette déformation, survenant souvent vers la fin de l’adolescence, engendre des troubles de la vision qui nécessitent le port de lentilles spéciales. Le kératocône atteint généralement les deux yeux, mais pas avec la même sévérité.
Le kératocône : les personnes à risque
La prévalence de la maladie est comprise entre une personne sur 2 000 et une sur 500, selon le Centre national de référence du kératocône*. Les variations dans ces estimations sont dues aux différents critères diagnostiques et méthodes de détection, certaines formes légères de kératocône pouvant passer inaperçues.
“Le kératocône est habituellement découvert vers l’âge de 15 ans, au moment où l’œil, comme le reste du corps, est en pleine croissance, ce qui fait que la cornée se déforme à ce moment-là“, explique le Pr Gilles Renard, directeur scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie. Selon les statistiques, 82 % des cas débutent avant 40 ans.
Le kératocône touche indifféremment les hommes et les femmes, quelle que soit leur origine géographique, même s’il semble que les Asiatiques en soient plus affectés.
Les causes du kératocône
On ne connaît pas encore les causes exactes du kératocône, mais il s’agit probablement d’une maladie génétique. Même si aucun gène spécifique n’a été identifié à ce jour, le fait que plusieurs membres d’une même famille puissent être atteints et que la maladie se développe presque systématiquement dans les deux yeux appuie la thèse d’une implication génétique.
Une recherche est actuellement en cours pour identifier le ou les éventuel(s) gène(s) impliqué(s). Comme le kératocône apparaît après la puberté, des hormones pourraient aussi être en cause.
Les liens avec d’autres pathologies
Par ailleurs, “le kératocône peut être lié à d’autres maladies génétiques comme la trisomie 21“, souligne le Pr Renard. Il peut aussi être associé au syndrome de Marfan ou à la rétinite pigmentaire. Si la recherche avance, on ne connaît pas encore bien les mécanismes entre ces pathologies d’une part et le kératocône d’autre part.
Il existe par ailleurs un lien entre allergie et kératocône : il n’est en effet pas rare que les patients ayant un kératocône souffrent également d’un eczéma et/ou d’une conjonctivite allergique. Mais là encore, les interactions entre les deux pathologies ne sont pas très claires.
Les symptômes du kératocône
Les effets du kératocône varient selon les individus et peuvent être de légers à graves. “Mon problème de vision a été détecté quand j’avais 18 ans : en passant mon permis de conduire, j’ai été incapable de lire une plaque d’immatriculation… J’ai consulté et on m’a annoncé que j’avais un kératocône”, témoigne Raphaël, 39 ans, atteint d’une forme sévère de kératocône. Comme dans 90 % des cas, ses deux yeux sont touchés, mais il est fréquent que le kératocône ne soit diagnostiqué que d’un seul coté, le délai d’apparition dans le deuxième œil étant très variable et pouvant atteindre plusieurs années.
“Au départ, le kératocône se manifeste par une baisse de l’acuité visuelle, de loin comme de près car c’est un astigmatisme évolutif”, explique le Pr Renard.
D’autres symptômes sont souvent associés :
- Une sensibilité excessive à la lumière (photophobie) ;
- Une irritation oculaire (yeux larmoyants).
Avec le temps, la cornée s’amincit et le cône se forme peu à peu, devenant visible à l’œil nu. Résultat : l’astigmatisme s’accentue et conduit le patient à changer souvent de lentilles et lunettes, afin d’adapter les corrections.
L’évolution de la maladie
Souvent découvert à la puberté, le kératocône évolue généralement jusqu’à l’âge de 30-40 ans avant de se stabiliser. L’évolution est irrégulière, certains kératocônes restant stables pendant quelques années, d’autres s’aggravant puis se stabilisant à nouveau.
Mais attention aux généralités, on ne peut pas faire de pronostic type dans cette pathologie. “Certains kératocônes évoluent très vite : ils démarrent vers 15 ans et doivent être opérés vers 20 ans. D’autres démarrent à 20 ans et ne sont jamais opérés parce que la personne vit bien avec“, explique le Pr Renard.
A savoir : toutes les chirurgies réfractives cornéennes (comme le laser pour corriger la myopie) risquent d’aggraver ou de décompenser la maladie ; elles sont donc strictement contre-indiquées.
Peut-on prévenir le kératocône ?
Il n’existe pas de manière de prévenir la survenue du kératocône ni de prévoir son évolution. La personne atteinte devra être suivie par un ophtalmologiste spécialiste, connaissant la maladie.
Les différents traitements du kératocône
Dans un premier temps, la personne souffrant de kératocône sera équipée en lunettes ou lentilles de contact. Les lentilles sont le traitement de choix pour une majorité de patients, en raison de l’interface créé avec le film lacrymal. La lentille permet ainsi de gommer une grande partie des irrégularités de la cornée. Les plus efficaces sont les lentilles rigides, mais elles sont aussi les plus difficiles à adapter. En cas d’intolérance aux lentilles ou si la vision reste insuffisante, le recours à la chirurgie sera nécessaire.
Trois options chirurgicales sont possibles, en fonction de la gravité du kératocône, explique le Pr Renard :
- Première option : la technique de “cross-linking”, qui consiste à rendre le collagène de la cornée plus résistant à l’aide d’ultra-violets, ce qui va ralentir la déformation de la cornée et stabiliser le kératocône ;
- Deuxième option : la mise en place d’anneaux intra-cornéens, qui vont aplatir le cône et diminuer la déformation. Dans ces deux premiers cas, l’intervention sera proposée tôt, afin de retarder au maximum l’éventualité d’une greffe de cornée ;
- Troisième option : dans les cas les plus sévères, une greffe de cornée sera réalisée. Elle consiste à échanger la partie centrale de la cornée malade par la même partie de la cornée saine d’un donneur décédé. L’opération dure en moyenne entre une et deux heures ; une ou deux nuits d’hospitalisation sont en général nécessaires. En post-opératoire, un traitement antibiotique et anti-inflammatoire est prescrit en collyre à dose dégressive pour une durée de 3 à 12 mois.
Un parcours du combattant que relate parfaitement Raphaël : “Au début, j’ai porté des lentilles rigides, très désagréables. Mais peu à peu, les lentilles sont devenues trop petites : la cornée était de plus en plus bombée et les lentilles ne tenaient plus sur l’œil, c’était impressionnant. Il fallait passer à la chirurgie. J’ai eu une première greffe de cornée vers 26 ans et une seconde à 30 ans. J’ai fait un rejet lors de la seconde greffe et j’ai dû être hospitalisé. Après ça, mon astigmatisme était toujours très gênant et les lunettes ne le corrigeaient pas assez, donc je suis repassé aux lentilles. Je les supporte bien aujourd’hui et j’ai 10/10ème en vision des deux côtés, ce qui était inespéré vu le pronostic des médecins au départ !”
Les traitements choisis en chiffres
- Environ 10 % des patients atteints d’un kératocône reconnu n’ont pas besoin de traitement spécifique ;
- 15 % sont équipés en lunettes uniquement ;
- 50 % sont équipés en lentilles de contact ;
- 25 % ont bénéficié d’une greffe de cornée.
Kératocône : quand s’inquiéter ?
En cas de douleur aux yeux, il est important de consulter rapidement un spécialiste, surtout si la douleur ne concerne qu’un seul œil.
Après une greffe de cornée, une baisse d’acuité visuelle, un larmoiement, des douleurs ou des rougeurs oculaires doivent amener à consulter en urgence, car cela peut être le signe d’un rejet de greffe.
source : doctissimo.fr